Notes du passé: La dégradation pour les officiers indélicats

Publié le par Alain GYRE

La dégradation pour les officiers indélicats

05.10.2016 Notes du passé N° 2261

Notes du passé:  La dégradation pour les officiers indélicats

De par les écrits des historiens, Radama 1er, le « Roi civilisé de Madagascar », est connu pour sa rigueur souvent excessive.

Grand guerrier et fin stratège qui réalise en grande partie le rêve de son père- faire de la mer la frontière de son royaume-, il est très sévère vis-à-vis de ses officiers indélicats qui sont pris en flagrant délit de détournement ou de malversations des tributs royaux obtenus par les victoires (homana tongoa-mionkona). Ou qui spolient les soldats placés sous leurs ordres, de leur part de butins de guerre. Le roi ne tolère pas ces actes qu’il qualifie de criminels puisque leurs auteurs défient sa souveraineté. « Radamamanjaka tsy azo andramana. »

Dès le début, le jeune souverain qui, généralement, mène lui-même les expéditions de conquête et donc connaît la quantité et la valeur des butins, fait apposer aux portes du Rova des affiches invitant ses officiers à déposer au Palais ce qui lui est dû. Mais rien n’y fait. À bout de patience, il les réunit à Antsahatsiroa et, par l’intermédiaire de son porte-parole Razafimbelo, il les harangue.

D’abord, il les accuse de lui avoir remis « assiettes ébréchées, pieds de table et marmites en fer » au lieu de la part de butin royal, et les somme de lui rendre « ses biens » sinon il sévira. Évidemment, les officiers nient avoir commis ce crime de lèse-majesté. Ce qui est vrai pour la plupart.

Mais les coupables croient que le jeune roi, bien que de tempérament fougueux, ne passera jamais à l’acte, même s’il fait préciser qu’il a « longuement réfléchi et longtemps mûri» sa décision. Ils pensent qu’avec les victoires successives qu’il obtient, il finira par tout oublier. Ce qui ne fait qu’attiser la juste colère du souverain.

Mais il la maîtrise encore et fait preuve de la maturité qu’on lui dénie et de tolérance. Il n’agit pas immédiatement tel un tyran qui abuse de sa puissance- « manao teniko fe-­lehibe »-. Il réunit les douze « Olon-kendry », notables du royaume, pour leur demander conseil comme il se doit. Leur réponse est claire : Radama doit « reprendre » ses butins de guerre et sévir contre ceux qui l’en ont dépossédé. C’est ainsi que les 9 honneurs Ralaifotsy et Rafaralahidera sont condamnés à mort, tandis que d’autres officiers subissent publiquement la dégradation.

Par la suite, des officiers n’osent plus agir de façon indélicate avec les tributs royaux, ils se rattrapent en spoliant leurs soldats de leur part de butins. C’est ainsi qu’en 1827, Radama s’irrite à nouveau. Il publie officiellement une Note que l’on affiche partout et dans lequel il exprime son « écœurement » devant de tels agissements, de surcroît commis en son nom.

« Nul ne peut, dans mon royaume, retirer des mains du commun de mes gens, surtout de mes soldats et des défavorisés, ne serait-ce qu’un plant de patate douce ou trois racines de manioc. Tout appartient et revient au roi que ces actes déshonorent. »

Puis d’ajouter à l’intention des victimes : « Quiconque vous vole, même s’il s’agit de ma mère, de mes épouses ou de mes enfants, je le punirai ; car je suis le protecteur de vos femmes, de vos enfants et de vos biens.»

Radama fait encore preuve de tolérance et continue par des avertissements. Ainsi, précise-t-il, si les auteurs de ces vols qui dénotent un abus flagrant de pouvoir contre les simples soldats, persistent dans leurs actes, ils passeront par les pires supplices. Et si de tels exemples ne suffisent pas, ils devront en payer le prix fort. Car nul, quel qu’il soit, ne peut impunément défier le roi : « … Fa ny Andriamanjaka tsy mba azo andramana, fa Radamamanjaka tsy mahazeny tavan’olona, tsy mahazo hotairin’olona, tsy mahamena handrin’olona koa andro iray hanaovako azy.»

Le roi, tout en publiant cette Note, invite ses officiers à dénoncer les coupables afin de séparer le bon grain de l’ivraie. Ce que finalement certains font. Mais là, aucune peine de mort n’est prononcée, le « crime » étant sanctionné par une peine maximum de dégradation.

Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles

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Publié dans Histoire, Notes du passé

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