2013-01-29 Pélerinage d'un roi au tombeau de ses ancêtres

Publié le par Alain GYRE

Pèlerinage d’un roi au tombeau de ses ancêtres

Vers le mois d’octobre 1864, le roi antakarana de Nosy Faly, Ndrivotso, François-Xavier Andrian­jalahy II de son nom de baptême catholique- son père a demandé aux Jésuites de l’instruire-, éprouve le besoin
d’accomplir un pèlerinage avec sa famille et ses hauts dignitaires au tombeau de ses ancêtres, dont son père Tsimamindra, dans la montagne d’Ambato.
François Pollen qui l’a déjà rencontré quelques années plus tôt, vient lui rendre visite au cours d’un deuxième voyage alors que les préparatifs de ce pèlerinage battent leur plein.
Il ne peut manquer un tel rituel et demande d’accompagner le roi dans ce retour aux sources et obtient l’accord des dignitaires. Il relate le voyage dans l’un de ses écrits.
La veille du départ, les sujets du roi s’occupent des préparatifs. Notamment, ils fabriquent « l’horrible » liqueur « betsabetsa » avec laquelle ils remplissent plusieurs vases, calebasses et bouteilles.
« On n’oublia point de le goûter jusqu’à l’ivresse pour s’assurer si la fabrication avait réussi ». Le jour-J, le départ s’annonce par un « bruit féroce » de tamtam et de cornes de bœuf.
De nombreuses pirogues de toutes les tailles, attendent sur la plage pour transporter tout le monde à destination.
Le roi et ses deux frères souhaitent prendre place dans le canot de François Pollen, orné pour la circonstance, des pavillons tricolores de France et de Hollande.
Derrière suit une grande pirogue où s’installent les épouses du roi, sa mère et ses sœurs, ainsi qu’une formation de batteurs de tamtam et de joueurs de cornes de bœuf. Ils se distinguent pendant toute la traversée par leur « horrible » musique.
Viennent ensuite la multitude d’embarcations à bord desquelles se trouvent les ministres du roi, ses hauts dignitaires, ses sujets et ses esclaves, tous armés.
Tout au long du trajet, le cortège s’étoffe des pirogues qui viennent de tous les points environnants.
« C’était vraiment un curieux spectacle de voir cette petite escadre sous voile, avec notre canot comme un vaisseau-amiral en fête».
Vers midi, le cortège entre dans une petite rivière et débarque dans une forêt de palétuviers.
Commence alors une marche solennelle, un petit sentier, qui conduit jusqu’au pied du promontoire d’Ambato, dans les forêts duquel se trouve le tombeau royal.
Ce chemin traverse une forêt de palétuviers, puis une autre, étroite, « remplie d’énormes bois-damiers, de copaliers, de benjoins, de saccoas, de faux-gaïacs, de takamakas, de natos, d’azignes, d’acacias », sans oublier les térébinthacées et les grosses lianes.
Plusieurs cris d’oiseaux agrémentent leur marche, « tok-tok monotone pour les coua huppés, croassements désagréables pour les voron-jaza, roucoulements pour les pigeons verts, voix presque humaine pour les boto-kong-kong ».
La marche se poursuit jusqu’à une clairière au milieu de fougères et de papyrus, où s’établit le bivouac.
François Pollen, n’ayant pas de tente, les Antakarana se refusant à lui en céder une et le roi lui-même ne pouvant lui en procurer une, il demande à ses serviteurs de lui construire une hutte de branches et de feuilles d’arbres.
Ce qui est fait en moins d’une demi-heure. L’intérieur est tapissé des voiles du canot pour préserver l’Européen des courants d’air et de la pluie, tandis que le sol est couvert de fougères sèches doublées d’une natte servant de table, de chaises et de lit.
« Partout où l’on portait les yeux, on apercevait de grands feux autour desquels on avait placé des piquets fendus avec des aiguillettes de viande de bœuf à rôtir ».
La nuit, enivrés par le « betsabetsa », les sujets du roi s’adonnent au chant dans un grand vacarme de tamtam, de cornes de bœufs et de claquements de mains féminins.
« Après les fatigues du jour, ce tapage infernal nous donnait un mal de tête affreux et nous empêchait de dormir ».
Pire, vers minuit, une pluie torrentielle oblige le Français et ses compagnons à quitter leur hutte pour s’installer près des feux presque éteints.

Pela Ravalitera

Mardi 29 janvier 2013

L’Express

Notes du passé

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