Diana : Le moraingy, entre culture et tradition

Publié le par Alain GYRE

Diana : Le moraingy, entre culture et tradition

 

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Le moraingy se pratique à mains et pieds nus, sans protection corporelle

 

Le moraingy est un sport traditionnel dont le succès n’est pas démenti, surtout dans les régions côtières. Actuellement, les combats génèrent de l’argent.

 

Le moraingy est un art martial librement pratiqué dans de nombreuses régions de Madagascar, toutefois, Antsiranana se distingue pour l’engouement qu’il suscite. Il ne diffère guère des luttes traditionnelles observées dans la zone de l’océan Indien, et historiquement, le moraingy serait introduit dans la Grande île par des esclaves issus des îles voisines.

Autrefois, le moraingy était à la fois un jeu et un entraînement à la guerre. Il est pratiqué pour la première fois au 15è siècle et il apparaissait comme moyen de défense contre les attaques des voleurs de bœufs.

D’autre part, la maîtrise du moraingy permettait d’accaparer par la force le troupeau d’autrui, la possession de nombreuses têtes de bovidés signifiant richesse et respect au sein de la société. En tout cas, le moraingy exige agilité, maîtrise de soi et souplesse de la part de son adepte, le «fagnorolahy».

En principe, les combats de moraingy sont organisés en plein air, tous les dimanches de pleine lune, en tant que jeu et divertissement. C’est surtout au moment des moissons, au retour des jeunes gens des travaux de champ que les combats ont lieu au milieu des adultes et des enfants du village réunis en cercle sur une grand-place. D’habitude, les combattants d’un hameau affrontent ceux d’un autre hameau, si ces derniers acceptent et relèvent le défi lancé.

Si avant, les combats de moraingy sont organisés à l’occasion de cérémonies coutumières, telles que les enterrements, les circoncisions, ou les naissances, par la suite, ils égayent la célébration de la Fête nationale et d’autres réjouissances collectives initiées dans la commune ou dans le fokontany.

Ainsi, le moraingy fait ressortir l’importance du fihavanana, de la solidarité et de l’amitié en tant que valeurs malgaches. Car les « fagnorolahy » sont des porte-fanions de leur village. Ce qui justifie les cris d’encouragement des femmes et des enfants ainsi que des vieux pendant les combats. C’est dire que le moraingy est à la fois un jeu et un apprentissage à l’acquisition d’une règle de vie et de maîtrise de soi, pour faire face aux problèmes du quotidien.

Inexistence de structures

Actuellement, le moraingy ne se présente plus sous cet angle, même si les jeunes ruraux s’en rappellent encore. Les combats de moraingy apparaissent, désormais, comme un spectacle générant de l’argent, un véritable business ! Ce sport traditionnel peut alors draîner des milliers de gens grâce à ses stars, autant les artistes de renommée attirent du monde.

L’organisation de combats de moraingy est facile et aisée, le risque de pertes financières est pratiquement nul. Si bien que certaines associations y ont recours pour des levées de fonds.

Point n’est besoin de ring ni de tatami, encore moins de local spécifique. Le moraingy se tient sur un terrain pelé et poussiéreux. Toutefois, certains districts, comme Nosy Be, Ambanja ou Ambilobe, l’organisent sur un terrain de foot ou dans un stade couvert. Depuis que le gymnase couvert d’Antsiranana a été rénové et géré par Tafita, il ne peut plus héberger des combats de moraingy. Dès lors, il existe deux endroits clôturés par des toiles en plastique, au Scama (Barma) et à Ambalavola (près de l’usine Star), qui accueillent de tels combats.

À chaque week-end, ces deux terrains sont noirs de monde. Autorités locales et simples gens, femmes et hommes, vieux et jeunes, s’y côtoient. Même les médias y trouvent leur compte, via la publicité du programme de fin de semaine. Ainsi, Mourchid se distingue, à la radio, dans cet exercice avec sa verve et ses jeux de mots dans les spots publicitaires.

« Je n’ai plus cherché d’autre activité professionnelle. Grâce au moraingy, je peux subvenir aux besoins de ma femme et de mes enfants. J’ai pu même construire une maison avec l’argent que j’ai gagné au moraingy », témoigne le fameux fagnorolahy Jaomarenga.

Il n’existe pas d’école d’apprentissage ni de formation dédiées au moraingy. Le savoir-faire se transmet de génération à génération, ainsi que par la pratique. Et maintenant, les jeunes femmes s’y mettent aussi, d’authentiques « fagnorovavy ».

Les applaudissements et les encouragements des spectateurs animent les combats. Cependant, le spectacle du moraingy va toujours de paire avec la musique, la fanfare en particulier. Ainsi, les stars du salegy sont mises à contribution à Antsiranana.

Le moraingy, sport assez violent, souffre de l’inexistence de structures, telles une fédération, des ligues et des clubs. Comme la plupart des disciplines sportives traditionelles, d’ailleurs.

 

Des règles implicites

Dans l’Antakarana, les coups de poing et de pied sont permis au moraingy. Le but consiste à mettre KO l’adversaire ou à le blesser pour qu’il ne puisse plus continuer le combat. Car parfois, celui qui porte le plus de bosses et de blessures est déclaré vaincu.

On se bat à mains nues, sans aucune protection corporelle. Le combat dure environ trente secondes, en général. Il n’y a pas de règles formelles, c’est laisser à l’appréciation de l’arbitre qui officie avec un sifflet. Mais il est interdit de tirer les cheveux, les oreilles ou de les mordre, et de frapper l’adversaire à terre.

L’arbitre désigne, objectivement ou subjectivement, le vainqueur. Mais actuellement, on tend à attribuer des points aux coups portés, et celui qui a accumulé le plus grand nombre de points est déclaré vainqueur. Quelquefois, un seul coup de poing ou de pied bien assené peut décider de la victoire (par KO, par exemple).

En fait, le « fagnorolahy » risque la blessure au visage, à la tête, de perdre des dents, d’avoir un bras ou une côte cassée. Il peut perdre connaissance en recevant des coups. Il arrive même qu’un « fagnorolahy» porte des séquelles à vie et devienne infirme.

Le fair-play est de mise, et à la fin du combat, les deux adversaires se serrent la main et s’embrassent. Il n’y a pas de place pour la rancune et l’idée de vengeance (« kisasy »).

 

Une activité lucrative

Un contrat commercial est signé entre l’organisateur et les deux combattants de moraingy. Rien que leurs noms à l’affiche peuvent attirer les gens avant même le combat. Le « fagnorolahy » est rémunéré par une certaine somme. On lui offre aussi des prix en nature, tels qu’une bicyclette, une moto, un téléphone portable, un mouton, un bœuf, une voiture 4L, un quad, des bijoux en or, etc. Preuve que beaucoup d’argent circule dans le milieu du moraingy, quand on sait qu’une 4L coûte six millions d’ariary.

Malheureusement, des organisateurs arnaquent les « fagnorolahy », des combattants truquent leur combat, et des arbitres sont de mauvaise foi. Des revers de la médaille à cause de cet aspect pécuniaire.

 

 

Raheriniaina

 

Mardi 05 novembre 2013

L’Express

Publié dans Coutumes

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