Conte: Le Serpent et le Hérisson

Publié le par Alain GYRE

 

Le Serpent et le Hérisson.

Ne méprise jamais un plus petit que toi :

Maints sujets ont été supérieurs à leurs rois

 

Certain soir, un tanrec, jeune, mais fort habile

Chasseur de vers et de fourmis,

Se trouva nez à nez avec un gros reptile

Sous les bananiers endormi.

Effrayé, il allait revenir en arrière,

Tout doucement, à pas menus,

Quand le serpent, levant brusquement ses paupières,

Lui dit : « soyez le bienvenu,

Noble fils du Tanrec. Je connais votre ancêtre

Et souvent, avec lui, j’ai chassé la souris. »

Visiblement troublé, le hérisson sourit :

« Je suis, comme mon père, heureux de vous connaître,

Répondit-il, s’enhardissant.

Je me proposais, en passant,

De vous faire visite,

-          Sans vous importuner, -

Car il faut qu’à la nuit tombante, je vous quitte.

-          Vous ne partirez pas avant d’avoir dîné

Avec moi, sans cérémonie,

D’une canne de Barbarie,

Reprend l’autre ; plein de gaîté :

Ne me refusez pas, vous serez bien traité. »

Le Tanrec, retrouvant toute son assurance,

Fut bien vite séduit par tant de prévenances.

Le début du repas ne manqua pas d’entrain,

Mais bientôt nos amis se montrèrent taquins.

« Sais-tu ce que disent les hommes ?

Siffle malicieusement

Le serpent.

Ils disent que ton nez et tes affreux piquants

Font de toi le plus laid des êtres du royaume.

(Entre nous, envers toi je les trouve méchants.)

-          Les hommes aiment rire, et c’est une boutade,

Reprend le hérisson ; ils n’ont pas toujours tort

D’ailleurs, et disent vrai lorsque, de la pintade,

Ils trouvent que les tiens se moquent pas trop fort.

Car si la pintade est tachée,

Ta peau, mon bon ami, plus encore est marquée,

Et si tu peux, un jour, dans un miroir,

Te voir,

Tripe rugueuse, horrible et toute maculée,

Tu te tueras de désespoir. »

Ce discours déplut tant au reptile irritable

Qu’il ouvrit vivement sa gueule redoutable

Pour avaler le hérisson.

Mais celui-ci, rusé, sautant sans un frisson

Dans la gueule béante

Vite, s’y hérissa,

Si bien que la bête rampante,

Blessée atrocement, le soir même expira.

Alors, le hérisson, tout fier de sa victoire,

Sortit sans faire effort de l’inerte mâchoire

Et reprit son chemin, disant à tout venant :

« Les petits, quelques fois, sont plus forts que les grands. »

 

 

 

Contes malgaches

Autour du dzire

Texte de J. Landeroin

Librairie Delagrave 1925

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