2013-01-19 Recommandations à de jeunes mariés

Publié le par Alain GYRE

Recommandations à de jeunes mariés

Les genres littéraires à Mada­gascar ont tous « quelque chose de fugitif », affirment ceux qui les ont étudiés de manière approfondie. Ce sont, par exemple, les « hainteny » improvisés dont on conserve quelque temps le souvenir mais que l’on finit par oublier.
Ce sont des discours de cérémonie, des « kabary », des chansons, des devinettes, des jeux d’esprit, des contes.
Mais tout cela est anonyme la plupart du temps, « réutilisé sans scrupules, amélioré, détérioré », selon les rencontres. Ainsi, il s’établit une assez grande ressemblance entre les différents textes du même genre : rien ne ressemble autant à une oraison funèbre qu’une autre oraison funèbre, à un «hainteny» qu’un autre sur le même sujet.
Cependant, toujours selon les spécialistes, dans cette uniformité, « les petites différences, les innovations, le choix d’un mot inhabituel, l’utilisation d’un proverbe différent de celui qu’on attendait, prennent une importance subtile qui échappe au lecteur étranger en particulier », du fait de la tournure orientale qu’ils renferment.
Pour illustrer cette affirmation, Flavien Ranaivo traduit un discours adressé à de jeunes mariés par un des plus âgés de l’assistance. « On approuve, on applaudit toutes les fois qu’une expression bien choisie touche l’auditoire; quand il est achevé, personne ne répond; la cérémonie est terminée et l’assistance se disperse. »
Cela, comme dans tout kabary qui se respecte, commence par de longues excuses avant que ne débutent les recommandations. Sous forme imagées, celles-ci sont axées sur l’amour mutuel qui n’est point forcé, qui doit être entretenu et réservé pour durer toute la vie.
« Vos amours ne sont point larmes provoquées par la fumée ni raisins verts ramollis par des doigts d’enfants. Tenez à l’amour comme à vos prunelles. L’ avoko (plante dont la racine est comestible) fleurira-t-elle douze phases dans le mois Que vos amours ne s’en ressentent point. »
Puis c’est l’apologie de l’amour. « Doux l’amour lorsqu’il ressemble à du coton : souple et moelleux et jamais ne se brise. Eau de la grève, on attend qu’elle tarisse, il en vient davantage. Sentier, fréquentez-le souvent, il paraitra plus vivant. Ne soyez pas comme le rocher et le caillou : l’énorme reste muet ; le petit ne grandit pas.
Les bœufs sauvages se dressent, mais ne se cachent pas. L’amour est la corde humide qui enlace le mariage. Ainsi, faites comme les arbres d’Ambohimiangara, fruits et éternels, branches souples. »
Le discours aborde ensuite les conseils pratiques. « Le conjoint est comme le sel : en grain, il n’entame pas les dents, en poudre il rehausse la viande. Le mariage est comme la chair, seule la mort la sépare de l’os. »
Et en cas de scènes de ménage, toujours penser : « Occasions de querelle : autant que le sable. Ne faites pas comme le petit chien battu par un fou et qui crie sa douleur à tous les environs : ne suivez pas les conseils de Colère : sitôt exécutés, ils deviennent regrets. L’emportement ne peut porter bien loin ; les râles s’arrêtent à la hauteur du nez. Le pire des malheurs : larmes, discorde, furoncle au front qui dépare le visage, douloureux par surcroît… »
Les recommandations se terminent par des propos sur le travail. « Ne soyez pas comme les chats : friands de poisson, ils détestent la nage. Le travail est l’ami des vivants. Car celui qui ne veut pas travailler est une charge de l’humanité ; dans le verger, il devient maraudeur, à la ville quémandeur. Si vous travaillez et que Fortune n’apparaisse pas, ne vous désolez point, le Seigneur-Parfumé vous viendra en aide… »

Pela Ravalitera

Samedi 19 janvier 2013

L’Express

Publié dans Notes du passé

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R
Madagascar a des coutumes assez complexes.
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