Tantara vato : "Barbie caillou"

Publié le par Alain GYRE

 

Tantara vato : "Barbie caillou"

 

La vérité sort toujours de la bouche des enfants. Avec le tantara, un jeu de poupées sans poupées, les petites filles sont déjà des mamans et portent sur le monde des adultes un regard souvent plein de pénétration.

 

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Toc toc ! Je suis la maman ! Toc Toc ! Je suis la fille ! Quelle petite fille n’y a pas joué au moins une fois dans son enfance ? Un bout de trottoir, une marche d’escalier, un muret suffisent pour installer le jeu de tantara (littéralement, histoire) dont l’espace est délimitée par quelques lignes tracées au charbon. Sans oublier les précieux cailloux (vato) qui animeront les personnages : le père, la mère, les enfants, les grands-parents… Plus le caillou est gros plus il personnalise un aîné. Pour le faire parler, il convient toujours de le frapper avec un caillou plus petit, c’est la règle. Toc toc ! Où vas-tu dada be (grand-père) ? Toc toc ! Je vais m’acheter un chapeau neuf pour aller au famadihana. Toc toc ! Puis-je venir avec toi ? Toc toc ! Oui, mais dépêche-toi, il faut être rentré avant la nuit… Des dialogues parfaitement improvisés où la petite fille projette son petit monde à elle. Comme un petit théâtre familial à ciel ouvert où elle apprend son futur rôle de mère, d’épouse et de femme.

 

Plutôt qu’un véritable héritage ancestral, le tantara vato est un jeu improvisé dont l’origine exacte reste à déterminer. Mais il est clair qu’il est lié à l’impossibilité pour la plupart des enfants malgaches de pouvoir jouer à la Barbie, faute d’argent. « Faute de pouvoir s’acheter une maison de poupée où une dînette, on trace quelques lignes au sol et on fait parler des cailloux », explique Lanto, une éducatrice de rue.

 

Il n’y a pas vraiment d’âge pour jouer à tantara. Sur les hauteurs d’Ambaravarambato, sur les coups de midi, on peut voir des bambins de 3 à 10 ans s’y adonner. Qui leur a appris ce jeu ? Personne, répondent-ils innocemment. Ils découvrent en regardant, en imitant les autres. Parfois seuls dans leur coin, parfois en bande, et cela peut vite devenir très bruyant !

 

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Les dialogues sont souvent rudimentaires, mais toujours très instructifs pour un regard attentif. « Souvent l’enfant exprime son propre vécu à travers les histoires qu’il raconte. S’il y a de l’alcoolisme ou de la violence domestique dans son foyer, il risque fort de l’évoquer dans le tantara, et c’est pour nous un excellent moyen d’entrer en communication avec lui et de l’aider », explique Lanto. La maladie, l’adultère, le décès, la maltraitance, rien ne leur échappe. Un reflet de la société dans laquelle nous vivons au final, vu par le regard d’un enfant. Ou comme dit l’autre, la vérité sort toujours de la bouche des enfants…

 

 

Joro Andrianasolo

(article publié dans no comment magazine n°26 - Mars 2012 ©no comment éditions)

 

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Publié dans Revue de presse

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