Conte: Imilasotry

Publié le par Alain GYRE

 

Imilasotry

 

Imilasotry, littéralement « celui qui cherche la misère », fut le fils unique d’un roi. Il ignorait donc la misère et la faim. Un jour que la misère menaçait le royaume et que ses habitants n’avaient plus rien à manger, Imilasotry se promenait sur la véranda de son palais, il entendait les discussions ardentes des gens et se demandait ce que signifiait le mot « Fisotriana » (disette) car il n’en avait jamais entendu parler . toute la nuit il y pensa, scrutant sa mémoire, mais en vain. Finalement, il décida de chercher ailleurs le sens de ce mot, il prit le strict nécessaire : habits et provisions alimentaires . après plusieurs jours de marche, les provisions s’amenuisaient mais le sens du mot cherché restait encore mystérieux. Bientôt, il n’eut plus que des haillons pleins de poux .

- Ce que je vis actuellement est peut-être ce que les gens appellent « Fisotriana » (disette), se dit-il.

Arrivé devant un palais, il demanda l’aumône, mais les gardiens ne le reçurent pas. Ce fut de la véranda que le maître du palais lui parla :

- Que cherches-tu ?

- Je cherche du travail, monsieur.

- Toi ? avec cette maigreur indicible ?

- Même pour garder les porcs…

Le maître du palais, qui était un roi, l’envoya aux champs garder les porcs…

Peu de temps après, il voulut marier ses trois filles, mais décida que le choix des futurs maris se ferait par tirage au sort. Assisté de notables, il réunit alors tous les jeunes gens et leur exposa la façon dont seraient désignés les gendres.

- Voici comment seront désignés mes trois gendres. On lancera au hasard des oranges et le jeune homme sur la tête de qui retomberont les oranges sera mon gendre.

On commença l’épreuve pour déterminer le mari de la première fille. Une orange tomba sur la tête d’un officier de l’armée. Quelle fut la joie de la première fille !

La même scène se produisit avec la deuxième épreuve. La fille cadette en fut très satisfaite.

Pour la troisième fille (la plus petite, appelée Fara), l’orange tomba sur la tête du gardien de porcs. Elle en fut malheureuse. Pour la consoler, le roi accepta qu’on recommence l’épreuve, mais l’orange retomba sur la même tête. Fara en fut très meurtrie, d’autant plus qu’elle était la plus belle des trois.

- Voilà ton époux, c’est ton destin, lui dit son père.

Une semaine après le mariage, le gendre « gardien de porcs », demanda à son beau-père la permision de rendre visite à ses parents lointains avec sa femme. Le roi leur donna de beaux habits. Arrivés chez les parents du « gardien de porcs », la bru fut étonnée de contempler un nouveau palais plus grandiose que le sien . C’est là qu’elle réalisa que son mari était aussi fils de roi.  Sur le chemin qui les ramenait vers les parents de Fara, ils étaient accompagnés de cavaliers et de porteurs de « Filanjana », deux brancards parallèles surmontés d’une chaise sur laquelle se mettent les nobles et que des esclaves portent sur les épaules.

Ils furent comblés de cadeaux et les deux filles aînées se sentirent si humiliées qu’elles n’osaient plus sortir de chez elles .

L’ancien gardien de porcs avait non seulement trouvé ce qu’il cherchait : le « Fisotriana », mais aussi l’amour.

 

Cléménce Vohahangiarisoa

 

Angano

Contes et histoires de Madagascar

Recueillis, traduits et adaptés par

Bernard et Monique CLAVERIE

Lettres de l’Océan Indien

L’Harmattan

 

Publié dans Contes, Angano, Héros

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