Conte: La pintade et le caïman

Publié le par Alain GYRE

 

La pintade et le caïman

Fable Antankarana

Recueillie à Amboanio (province de Voliemav).

 

La pintade et le caïman étaient amis autrefois, et plongeaient dans la même eau.

Mais un jour le caïman dit à ses enfants :

« J’ai mangé de la chair de tous les animaux terrestres, excepté celle de la pintade; je veux faire maintenant mon possible pour en goûter. »

Et le caïman, dit-on, feignit de mourir et dit à ses petits :

 « Réunissez-vous, pleurez, et appelez Rakanga (la pintade). »

Les petits caïmans s’en allèrent appeler la pintade et lui dirent :

« Pintade ! Ton ami est mort et nous venons ici pour te le faire savoir. »

Alors la pintade rassembla ses petits et leur dit :

« O mes enfants et mes descendants, rassemblez-vous, car nous irons assister à la mort du caïman. »

Quand les petites pintades furent devant les yeux de leur mère, elle leur dit :

« Ramamba veut dévorer les pintades, ne vous approchez de lui que si vous me voyez m’approcher moi-même, et ne chantez que sur mon ordre. »

Alors toute la famille se mit en route pour assister à la mort de Ramamba. Et les petits de la pintade et les petits du caïman se firent les salutations d’usage. Puis la mère pintade dit aux petits caïmans :

« Est-ce que vous n’avez pas encore fait la cérémonie de Ramamba.

- Pas encore. C'est pour cela que nous vous avons fait appeler et que nous vous attendions. Nous sommes tous des enfants et nous ne savons pas la façon de nous y prendre. »

La pintade dit alors à ses petits :

« Chantez, mes enfants, moi je vais parler à Ramamba.

- Est-il vrai que tu es mort, Ramatnba ? Si c’est bien vrai, remue donc tes pieds, afin que tes enfants et tes petits-fils s’en rendent compte et disent : Ramamba est mort, et voici les hauts faits qu’il accomplit. Car c’est un mort célèbre, et de lui il y a beaucoup à raconter. »

Ramamba remua, dit-on, ses pieds.

 Alors les pintades chantèrent :Mbitra! Mbitra ! Mbitra! Et la mère pintade dit:

« Ramamba, tu as remué les pieds ; cependant tu es mort et tu remues encore. Puisque tu n’es pas mort, Ramamba, ouvre donc la gueule, pour que tes enfants et tes petits-fils puissent te chanter. »

Le caïman ouvrit la gueule et les pintades se mirent à chanter :

« Mbitra ! Mbitra ! Mbitra ! »

- « Ramamba, recommença la pintade, si tu es vraiment mort, ouvre les yeux!»

Et Ramamba ouvrit les yeux, regarda la pintade et se dit en lui-même :

« Je vais sans doute t’avaler aujourd’hui. »

- « Retourne-toi de l’autre côté », dit encore la pintade.

Et Ramamba se retourna.

Alors toutes les pintades s’envolèrent en criant:

«Ramamba voulait nous manger, mais jamais il ne saura le goût de notre chair. »

« Nos espérances sont trompées, dit alors le caïman à ses petits, nous n’aurons pas la proie désirée. Que soit donc maudit celui de mes enfants et de mes descendants qui prendra Rakanga sans la manger.»

La pintade dit de son côté :

 « Que celui qui parmi mes enfants et mes descendants plongera dans l’eau, soit mangé par les caïmans. Que mes enfants se plongent dans la poussière s’ils en ont envie, et qu’ayant soif, ils boivent la rosée! »

 

Voilà pourquoi, dit-on, la pintade ne se plonge jamais dans l’eau, et pourquoi il n’y a plus d’amitié entre la pintade et le caïman.

 

Contes de Madagascar

Charles RENEL

 

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