Conte: Ranalahy et Ranavavy

Publié le par Alain GYRE

 

Ranalahy et Ranavavy

Conte Betsimisaraka

Recueilli à Antandiokomby [province des Betsimisaraka-dii-Sud).

 

Un jour, dit-on, Ranalahy et Ranavavy partirent pour chercher des voatrotroka (1); comme ils suivaient les bords de la rivière, il virent une caisse emportée par le courant.

Ranalahy entra dans l'eau pour l’atteindre, l’amena jusqu’à la rive et l’ouvrit : il y avait dedans trois enfants. I1 appela aussitôt sa femme :

 « Ranavavy, descends vite, je viens de faire une découverte extraordinaire. »

Lorsqu’ils eurent tous deux admiré les enfants, ils retournèrent avec eux au village et se hâtèrent de construire une hoba ( 2 ), comme on a l'habitude de le faire lorsqu’une femme a enfanté.

Au bout d'une semaine, les trois frères dirent à Ranalahy :

« Papa, achète-nous des sadika » (3}; lorsqu'ils les eurent obtenus, ils demandèrent aussi des lambas, puis des épieux et des sagaies.

Et quand ils eurent tout cela, ils annoncèrent leur intention de partir à la guerre.

Le père leur dit : « Quand vous arriverez à un champ de patates, vous mangerez toutes les patates qui s’y trouveront; vous ferez de même quand vous trouverez des cannes à sucre, et quand vous rencontrerez une fontaine, vous irez en boire toute l’eau. Puis vous continuerez votre chemin. »

Ils firent ainsi et, marchant toujours, parvinrent à un ramiavona ( 4 ); ils y grimpèrent et tournèrent leurs yeux successivement vers l’Ouest, vers l’Est et vers le Sud, sans rien apercevoir; mais quand ils regardèrent au Nord, ils virent un village.

Descendus de leur arbre, ils construisirent une petite maison et tuèrent trois bœufs sans cornes.

Vinrent des personnes qui cherchaient de l’eau.

Les trois frères s’écrièrent : « Si vous êtes des hommes, venons-en aux mains! »

Bientôt soixante hommes arrivèrent pour les combattre, mais ils ne faisaient aucune attention aux sagaies lancées par ces hommes. Pourtant Fanivoivo fut blessé à la cuisse; alors il appela Faralahy à son secours, et celui-ci cracha sur la blessure qui fut guérie. A leur tour, les trois frères lancèrent- leurs sagaies, et les soixante hommes furent vite tués ; il en arriva cent autres, qui furent exterminés encore. Alors les trois vainqueurs entrèrent dans le village et dirent aux gens :

« Quels sont ceux d'entre vous qui accepteront de devenir nos esclaves? »

 Tous les habitants consentirent.

Ensuite les trois frères se firent porter en filanzane pour retourner dans leur pays.

Arrivés à la porte de là maison paternelle, ils tuèrent trois bœufs, et leurs parents [adoptifs] furent comme des rois.

Mais lorsque leurs vrais père et mère apprirent tout cela, ils allèrent trouver les parents adoptifs et leur dirent ;

« Ces trois frères sont nos enfants, emportés autrefois par la rivière. »

Alors les trois frères retournèrent chez leurs vrais parents ; ils emportèrent avec eux tout ce qu'ils possédaient, et Ranalahy et Ranavavy connurent de nouveau la pauvreté.

 

(1) Sorte de fruit sauvage.

( 2 ) Petite case où les femmes nouvellement accouchées passent huit jours.

( 3 ) Autre forme de Salaka; large bande de toile dont les hommes se ceignent les reins après l'avoir fait passer entre les jambes.

( 4 ) Espèce de liane.

 

 

Contes de Madagascar

Charles RENEL

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article