Notes du passé: Un logement étroit pour les naufragés portugais

Publié le par Alain GYRE

Un logement étroit pour les naufragés portugais

14.05.2016 Notes du passé

Notes du passé: Un logement étroit pour les naufragés portugais

En présentant la Tranovato des Portugais sur une petite ile de Fort Dauphin, G.-S. Chapus se demande d’où viennent les matériaux de construction utilisés. Selon lui, s’il faut transporter les pierres à travers le fleuve, rien que le charroi constituerait un travail considérable.

Ces pierres sont liées par un mortier fait de terre glaise mélangée à un peu de chaux en certains endroits. « Les bâtisseurs furent très économes de ce mortier, car ils le réservaient au crépi intérieur de la construction. Et bien qu’exposé aux pluies depuis près de trois siècles, le revêtement a conservé presque toute la fraicheur de son coloris. » Et Chapus d’ajouter : « Sans la végétation qui a poussé là, on pourrait croire que cette demeure n’est ainsi à ciel ouvert que depuis quelques années seulement. »

En décrivant le fortin, il souligne l’aspect qu’il a d’une masse entièrement formée au rez-de-chaussée, avec d’étroites ouvertures en forme de meurtrières au niveau du premier étage, lequel consiste sans doute en une terrasse protégée par des créneaux. La hauteur des murs est d’environ 6m. Une grande et unique pièce occupe toute la partie inférieure et elle ne reçoit l’air et le jour que par le dessus. « La gravure de l’ouvrage de Flacourt donnerait à supposer qu’il existait une porte. C’est là une autre erreur » (lire précédente Note).

Toujours d’après Chapus, la visite à l’intérieur du bâtiment ne laisse subsister aucun doute à ce sujet. Sur chacun des quatre côtés de la pièce, sont disposés deux placards, dont la profondeur est d’environ la moitié de l’épaisseur du mur. « On se demande, tout d’abord, si ce n’était pas là des fenêtres. Mais l’examen de la construction fait écarter bien vite cette hypothèse. »

À partir de cette description, Chapus donne une version de la situation des 70 naufragés qui donnent son nom au fortin. Comme aucun espace ne semble réservé pour passer dans l’unique salle de leur logement, ils ne disposent pas même d’un mètre carré par personne. Ainsi, pour se reposer la nuit, ils sont sans doute réduits à s’enfermer comme en un tombeau.

«Aussi peut-on admettre que nombre d’entre eux dormaient sur le toit disposé en terrasse. » De là, les guetteurs peuvent aussi apercevoir, par une nuit claire, les mouvements suspects d’hommes dans la plaine, ou du moins entendre le bruit du passage des pirogues sur l’eau.

Revenant sur la gravure du livre de Flacourt, Chapus indique qu’elle représente 11 maisons plus petites construites autour de la Tranovato. Et il se demande finalement si celles-ci ne constituent pas des logements à l’usage des matelots, tandis que le bâtiment principal aurait servi d’abri aux richesses dont parle Flacourt. Une hypothèse plausible, mais que l’auteur réfute lui-même.

« L’existence des placards du bâtiment principal laisse croire que les petites maisons étaient des logements destinés aux serviteurs et aux esclaves, tandis que les macinor (en portugais Meu senhor) se réunissaient tous entre les murs de pierre. »

Quant au mode d’existence des naufragés, Chapus déclare qu’il n’est pas possible dans le premier tiers du XXe siècle d’avoir d’autres indications que celles de la carte de Flacourt. Il y a sur l’ile des cultures vivrières et un champ de tabac. La gravure présente également des orangers. « Mais ces arbustes n’avaient pas été plantés par les Portugais ; ceux-ci ne séjournaient pas assez longtemps sur l’ile pour les voir grandir. »

Le récit que donne Flacourt du massacre des habitants de la Tranovato présente les « mêmes caractères d’invraisemblance » que la carte qu’il trace, selon Chapus. « Est-il possible que les Portugais soient tombés, aussi sottement qu’il le déclare, dans le piège qui leur fut tendu par les chefs indigènes On peut à peine l’admettre. Que les Européens aient accepté une invitation, la chose est probable. Mais qu’ils aient fait venir leurs coffres et étaler tous leurs trésors, qui pourra le croire » Pourtant, dans les années 1930, c’est le seul récit disponible sur la fin des habitants de la Maison de pierre. « N’y a-t-il rien du côté des Portugais qui eût en partie provoqué cette attaque dont ils étaient les victimes »

En tout cas, un peu en contrebas du tertre où elle se dresse, on discerne deux emplacements rectangulaires, sans doute entourés autrefois de pierres levées. « C’est là que reposeraient les 65 victimes de l’odieuse agression. »

Pela Ravalitera

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Publié dans Histoire, Notes du passé

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