Tsimiaro à nouveau trahi par les Français

Publié le par Alain GYRE

Tsimiaro à nouveau trahi par les Français

30.06.2017 Notes du passé

 

Si l’alliance avec les Français peut servir d’atout vis-à-vis des Merina, la dépendance qu’elle crée, ne compense pas nécessairement les avantages que Tsimiaro peut en tirer. « Il bénéficie certes d’une pension, dont le taux reste pourtant inchangé pendant plus de quarante ans de règne. Grâce à l’action des missionnaires catholiques français qui travaillent dans les petites iles, il peut satisfaire aussi son grand désir de s’instruire puisqu’il parle couramment le français et en faire profiter ses enfants et ses sujets » (Les relations du roi Tsimiaro avec les Merina et les Français, vues par les documents de l’époque (1832-1882) par Micheline Ramiaramanana, au Colloque international d’histoire du 27 juillet au 1er août 1987 à Antsiranana.

Pendant ses déplacements à Nosy Be, le roi dispose d’une case et il a droit à des rations alimentaires allouées par le commandant particulier. Autre attention  dont le roi est l’objet : au moment de la signature du traité de 1841, il est conduit à l’ile Bourbon, reçu et traité en ami par le gouverneur, l’amiral de Hell. « On lui rend alors de grands honneurs : coups de canon, fêtes, bals et spectacles. L’amiral lui donne un habillement complet : habits, épaulettes, sabre et couvre-chef. »

Toutefois, « compte-tenu du fait que les intérêts ne sont pas forcément convergents ou complémentaires et que toute affirmation de personnalité risque de battre en brèche une autorité fondée sur des rapports de domination, la bonne entente devient plus d’une fois problématique ».

À partir de 1842, année de la conversion de Tsimiaro à la religion islamique, les relations auparavant excellentes avec les missionnaires catholiques français se dégradent. « L’abbé Dalmont, enchanté par la chaleureuse hospitalité du roi, la finesse de son intelligence et sa facilité à tout retenir rapidement, ne se souvient plus que de sa cupidité.» Il comprend mal qu’un souverain polygame ne puisse partager son enthousiasme pour « les sublimes enseignements de l’Église sur le mariage chrétien » (La Vaissière).

Une affaire d’apparence anodine risquant de remettre en cause les fondements même de la royauté et qui révèle la différence totale des systèmes de valeur, oppose le roi antankarana à Derussat, le commandant particulier de Nosy Be.

La coutume prescrivant à tout Antankarana de prendre le deuil et de se couper les cheveux à la mort d’un prince en 1861, Vinazo refuse, non seulement de se conformer aux traditions, mais tient encore, selon Tsimiaro, « des propos insolents contre lui ». Le conseil réuni (kabary) le condamne à la confiscation de ses 87 bœufs, de son riz et de tout ce qu’il possède à Nosy Faly. Ayant habité longtemps à Nosy Be, Finazo se plaint auprès du commandant particulier, qui condamne le roi à la restitution des biens confisqués. Le jour où il se rend à Nosy Be, Tsimiaro est traité de « voleur ! Brigand ! ».

En réalité, le crime capital qu’on lui reproche est de professer la religion musulmane et de mettre sur ses terres, le drapeau de ses ancêtres (toile blanche avec nouvelle lune et étoile) à côté du drapeau français. Le roi expose à Derussat « qu’au moment de céder une partie de ses terres, il fut convenu avec les officiers français avec qui il traitait, qu’il demeurerait le maître absolu de la portion de ses États, qu’il se réserverait et administrerait ses sujets suivant les lois et coutumes en usage et que les Français n’interviendraient pas dans son administration intérieure ».

« Des promesses verbales sans doute et qui ne figurent pas dans le texte du traité », expliquent les dures paroles de Derussat à l’égard du roi. Au moment de son départ de Nosy Be, Tsimiaro est l’objet d’un attentat auquel il échappe par le plus pur des hasards. Ce traitement jugé inadmissible le détermine à adresser une plainte à l’empereur des Français, Napoléon III. Le commandant Dupré, commandant la station navale, « consulté sur cette affaire et manquant singulièrement d’objectivité », abonde dans le sens du commandant particulier et refuse de considérer la pétition comme sérieuse.

Pire, il engage Derussat à ne pas ménager Tsimiaro et « de retenir sur sa pension et la valeur du vol et une amende s’il ne s’exécutait pas de bonne grâce ». Déçu et mécontent, le roi profite de la mort de Ranavalona Ire pour écrire à son fils Radama II (1861-1863). Il se plaint des Français usurpateurs de leurs territoires et lui propose de réunir leurs troupes pour chasser les Français de Nosy Be. « Radama II, non seulement ne répond pas à ses ouvertures, mais en adoptant une attitude pour la moins discutable, en informe le commandant de la Station Navale ! »

 

Texte : Pela Ravalitera – Photo : Cassam Aly Ndandahizara

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