2013-12-24 Notes du passé: Des différences religieuses parmi les Karana

Publié le par Alain GYRE

 

Des différences religieuses parmi les Karana

C’est avec les communautés indienne et chinoise que les Notes terminent la présentation de l’étude faite par l’enseignement-chercheur Gerald Donque sur la « Population et société tananariviennes », publiée dans le Bulletin de Madagascar de novembre 1968.

Les Karana (Indiens, Pakistanais, apatrides) semblent homogènes (lire précédente Note), mais selon l’auteur, outre les différences sociales, il existe celles sur les religions. Ainsi en 1968, les Hindouistes sont peu représentés dans la capitale où « il n’existe pratiquement que des Musulmans ». Mais à l’intérieur de cette religion, « quelle mosaïque de sectes ! »

Gerald Donque cite ainsi les Bohra, musulmans convaincus qui s’astreignent au voyage à La Mecque. Commerçants avisés, en général ils réussissent bien en affaires. Les Khodja peuvent donner « l’apparence d’un détachement religieux », mais il n’en est rien même s’ils ont fortement occidentalisé leur genre de vie.

Les Souni ou Sunnites, malgré leur appartenance à l’Islam, demeurent « divisés en castes » et leur situation économique « reste médiocre ».

Enfin, les Agha-khanistes constituent « la secte la plus nombreuse et la plus charpentée ». Il existe aussi un Conseil provincial des Ismaïliens de la branche nizarite, dont le président est le mandataire général de l’Agha Khan pour toute l’île.

« Très groupés dans le quartier de Tsaralalàna, les Karana font

l’objet d’une méfiance générale de la part des Malgaches qui leur reprochent, à tort ou à raison, leurs pratiques commerciales déloyales et parfois malhonnêtes, leur âpreté au gain, leur dureté en affaires, leurs agissements d’usuriers… »

Quant aux Chinois, ils commencent à s’installer dans l’île entre 1897 et 1903, lorsque les colonisateurs font appel aux

« coolies » de la région de Canton pour construire routes et voie

ferrée.

L’expérience est un échec et on doit vite les rapatrier. Certains restent pourtant à Madagascar, ouvrent un commerce de détail en brousse dans les régions orientales, font venir leurs parents ou leurs amis. Leurs hommes étant trop largement majoritaires, beaucoup prirent pour femme une Malgache et ainsi s’explique le grand nombre de Métis sino-malgaches, aujourd’hui citoyens malgaches de droit, mais toujours intégrés et bien acceptés dans le milieu chinois.

Le Chinois d’Antananarivo est avant tout un commerçant de détail dans l’épicerie. Sa boutique regorge d’objets des plus hétéroclites.

Certains préfèrent tenir un restaurant de spécialités. « On trouve parmi eux toute une hiérarchie, depuis celui qui a réussi et dont les affaires prospèrent et dont le magasin, situé dans le centre, clair, aéré, est fréquenté par une clientèle aisée, jusqu’au petit épicier de quartier, besogneux, végétant dans un secteur à bas pouvoir d’achat. »

C’est à l’intérieur de la communauté chinoise que se règlent toutes les affaires de leur petite société, sans qu’il soit besoin de faire appel aux administrations ou aux tribunaux officiels.

La Congrégation est aussi le conservatoire de leurs mœurs et coutumes. Enfin, c’est en son sein que se règlent les dettes de jeu.

« Car le Chinois reste un gros joueur et il n’est pas rare qu’au cours d’une même nuit, lors d’une partie de mahjong, telle boutique change deux ou trois fois de main. » Le Chinois qui ne fait jamais étalage de sa fortune, cache ses problèmes sous la discrétion. Il est « bien accepté des Malgaches à cause de sa modestie, de son affabilité souriante, des menus services qu’il rend à tous ».

La communauté a néanmoins ses problèmes. En 1968, le choix politique entre Pékin et Formose reste d’actualité et officiellement, les Chinois de Madagascar sont représentés par une ambassade de la Chine nationaliste, « mais il est difficile de connaître les sentiments intimes individuels ».

Enfin, il y a la question de l’avenir des enfants. Autrefois, le fils ouvre une boutique en brousse avant de revenir s’installer à Antananarivo à son propre compte ou succéder à son père. Mais le secteur tertiaire est saturé, la concurrence des Indiens redoutable, les enfants trop nombreux. Et le niveau insuffisant de l’école franco-chinoise ne leur permet pas d’accéder à des postes salariés élevés.

 

Pela Ravalitera

Mardi 24 decembre 2013

L’Express

Publié dans Notes du passé

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