2014-09-05 Le droit écrit appliqué dans toute l’île en 1900

Publié le par Alain GYRE

Le droit écrit appliqué dans toute l’île en 1900

 

05.09.2014

Notes du passé

 

Comme écrit précédemment, la royauté merina n’impose pas le système de la territorialité des lois. Au contraire, les populations non merina sont autorisées à conserver leurs coutumes. Cependant, dans les régions où les codes merina sont promulgués, les coutumes se transforment, se rapprochent du droit écrit, sinon disparaissent pour devenir un simple usage social.

La Commission de rédaction du Code civil, au début des années 1960, fixe l’aire d’extension du droit écrit en 1895.

Ainsi, il est appliqué dans son intégralité en Imerina et dans le Nord du pays betsileo. Il l’est partiellement, en même temps que certaines coutumes, en pays tanala, bezanozano, sihanaka, betsimisaraka, antemoro, antesaka, antefasy, tsimihety et dans une partie du pays sakalava. Et il n’est jamais pratiqué en pays antankarana, vezo, tanosy,  mahafaly, bara, tandroy.

Six grands groupes de coutumes se distinguent à Madagascar, précisent les juristes. Par leurs tendances générales et certaines particularités, ils se rapprochent sensiblement.

Et de citer les coutumes du Sud-est, à savoir antambahoaka, antemoro, antesaka, ainsi que celles des peuples de Farafangana : Antefasy, Zafisoro, Sahavoay, Sahafatra.

Les coutumes du Sud appartiennent aux Bara, Antandroy, Mahafaly, Antanosy, celles de l’Ouest aux Vezo et Sakalava. Les coutumes betsimisaraka diffèrent légèrement, selon que l’on se trouve sur la côte Nord-est, au Centre ou au Sud-est. Celles du Nord sont liées aux Antakarana, Tsimihety; et enfin celles du Centre, aux Sihanaka et Bezanozano.

Si, en 1895, l’application des lois écrites merina est circonscrite, au début du XXe siècle, le Code des 305 articles l’est dans les régions où il n’a jamais pénétré. Plusieurs facteurs l’expliquent, selon les juristes. À savoir la méconnaissance des coutumes orales par les juridictions françaises plus portées à s’appuyer sur des textes écrits que sur les enquêtes coutumières ; ensuite, la diffusion dans tous les tribunaux, par un arrêté du 1er décembre 1900, de la traduction du Code des 305 articles ; enfin, les migrations internes.

De ce fait, si l’arrêté de 1900 étend pratiquement le champ d’application du Code des 305 articles, en revanche, cette date marque le déclin et le vieillissement des codes malgaches avec le changement politique.

Néanmoins, les coutumes orales, « longtemps ignorées », constituent l’un des éléments les plus importants du droit civil malgache. « Ces coutumes orales sont d’autant plus vivantes qu’elles ont souvent résisté à l’influence de la loi merina, à la merinisation du droit traditionnel. » Ainsi dans le système  juridique malgache, la loi écrite coexiste étroitement avec les coutumes, « ces usages populaires dont l’application est constante  et remonte aux temps les plus anciens ».

Mais « la création de nouveaux types de juridictions, la notion d’ordre public colonial, l’introduction progressive du droit français qui va supplanter l’influence anglo-saxonne, la doctrine de l’assimilation et le système de l’administration directe, les bouleversements intervenus dans la vie économique interne constituent autant de facteurs qui vont cristalliser les coutumes, transformer les notions juridiques traditionnelles, rapprocher le droit moderne du droit coutumier, à telle enseigne qu’on a pu dire que le droit traditionnel dans les sociétés dominées est devenu le prolongement de la législation imposée par la nation tutrice ».

Le Pr David écrit: « La difficulté de connaître dans son contenu et, plus encore, dans son esprit le droit autochtone est considérable et, soit lorsque le contenu de ce droit ne nous apparaît pas clairement, soit qu’il nous paraît choquant, nous avons une tendance instinctive à faire prévaloir nos propres conceptions, si peu adaptées qu’elles soient aux populations qui leur sont ainsi soumises. Des raisons à la fois idéologiques et techniques nous conduisent facilement à admettre soit la prépondérance d’une loi ou des conceptions européennes, soit une présomption d’identité du droit autochtone avec notre propre droit. »

Et de conclure: « On cherche beaucoup moins à comprendre les doctrines orientales en elles-mêmes qu’à les réduire aux conceptions occidentales, ce qui revient à les dénaturer complètement. »

L’Express

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