Eaux usées : le réseau couvre une petite partie d’Antananarivo

Publié le par Alain GYRE

Eaux usées : le réseau couvre une petite partie d’Antananarivo       

Mardi, 08 Avril 2014 

À Madagascar, le problème majeur du traitement des eaux usées nécessite l’identification de terrains et l’obtention d’accords pour construire des stations de traitement.

 

Plus, et selon les données publiées dans Gret – Collection débats et controverses – n°8, et qui ont été établies par  Julien Gabert, Gret, il apparaît que le réseau d’eaux usées couvre une petite partie de la commune urbaine. Environ 17 % de la population est connectée à ce système qui fonctionne de manière gravitaire. Les eaux usées sont rejetées sans traitement préalable dans le milieu naturel, c’est-à-dire dans les rivières qui traversent la plaine. Dans le reste de la ville non relié au réseau, les habitants s’en remettent à des solutions d’assainissement individuel.

 

Dans la commune urbaine, l’assainissement est sous la responsabilité du Service autonome de maintenance de la ville d’Antananarivo (Samva). Mais en termes d’assainissement individuel, l’investissement du Samva est minime : le service ne possède qu’un seul camion de vidange et aucun site de traitement des boues de vidange n’existe pour le moment. Il est question d’aménager une station de traitement des boues de vidange à 40 km d’Antananarivo. Ceci vous laisse imaginer le coût en carburant pour aller déposer les boues de vidange dans ce site. En attendant, les boues, tout comme les eaux usées, sont rejetées directement dans les rivières.

 

Dans les communes périphériques, les mairies sont responsables de l’assainissement (il s’agit d’une compétence transférée). Puisque 90 % de la population est en assainissement autonome (soit avec des fosses septiques, soit avec des fosses sèches, latrines traditionnelles…), la vidange est effectuée manuellement par des personnes payées par les ménages. Ceux-ci évacuent les boues de la fosse avec des seaux et les rejettent dans la rivière la plus proche. Parfois, les ménages construisent une deuxième fosse, et transfèrent les boues de vidange d’une fosse à l’autre, puis rebouchent la fosse ainsi remplie. Tout cela dans des conditions sanitaires déplorables…

 

En ce qui concerne l’assainissement, le taux d’équipement en toilettes dans ces zones est faible. 18 % des ménages sont équipés, dont 7 % seulement en toilettes hygiéniques, c’est à dire des toilettes comprenant une dalle pour isoler les excrétas et une fosse pour éviter de polluer les nappes. Phénomène très répandu à Madagascar, les toilettes sont partagées. Faute de place, plusieurs ménages utilisent une même toilette (en général de 3 à 5). En raison des inondations, on observe régulièrement des remontées d’eaux usées qui inondent les fosses.

 

Le service de vidange est effectué manuellement par des vidangeurs informels. Pieds nu dans la fosse, ils vidangent à l’aide d’un seau et déplacent les boues dans un trou creusé à proximité.

 

Leurs conditions de travail sont difficiles.

 

En général, les habitants leurs demandent d’intervenir la nuit, ne voulant pas qu’on sache que leur fosse est vidangée manuellement (c’est interdit). Des pneus sont brûlés pour couvrir l’odeur, et les vidangeurs s’enivrent avec de l’alcool pour tenir le coup ! Les vidangeurs constituent une population marginalisée, mais à laquelle les familles font appel lorsque cela est nécessaire. Il n’existe pas de site de dépôt des boues. Celles-ci sont rejetées dans les rivières, qui servent aussi pour la lessive et l’irrigation des rizières…

 

Le traitement constitue un volet important du projet. C’est précisément l’offre de traitement décentralisé qui constitue l’aspect « non conventionnel » du service.

 

Plutôt que construire de grosses stations de traitement en dehors de la ville, il a été décidé d’installer de petites unités de traitement au sein des quartiers. Ce choix découle du constat que les vidangeurs ne peuvent pas parcourir de longues distances avec leurs équipements (tonneaux sur des chariots) et parce que les dépenses en carburant pèsent lourdement dans l’économie de leur activité.

 

Mettre en place de petites unités de traitement dans les quartiers répond à l’enjeu d’inciter les vidangeurs à déposer les boues dans ces installations en limitant les coûts. Étant donné que ces stations se situent au milieu des habitations, un critère déterminant pour les choix techniques concerne l’odeur. Nous travaillons sur des technologies anaérobies, avec une valorisation possible du biogaz produit. En outre, il faut identifier des terrains, ce qui n’est pas aisé en ville. Enfin, ces dispositifs doivent pouvoir s’intégrer dans le paysage urbain, condition sine qua non de l’acceptation sociale.

 

Malgré tout, et toujours d’après les mêmes informations, il reste des défis de taille à relever.

 

Du point de vue foncier : il faut identifier des terrains et obtenir les accords pour construire des stations de traitement.

 

Les vidangeurs : on ne peut pas reproduire les solutions appliquées pour les petits opérateurs privés de l’eau potable. Contrairement à eux, les vidangeurs ne sont pas capables d’établir un plan d’affaire ou de gérer une comptabilité. Le changement doit se faire progressivement, selon des schémas un peu différents. Du point de vue politique : nous avons évoqué l’enjeu de la volonté politique, de l’appropriation de cette approche par les communes, qui est déterminante.

 

Des contraintes liées au caractère innovant du projet : on espère qu’à la fin du projet, les innovations ne soient plus considérées comme telles, mais comme des habitudes : 1) s’intéresser à l’ensemble de la filière, pas seulement à l’équipement en toilettes ; 2) utiliser des techniques nouvelles de vidange et de traitement à l’échelle des quartiers ; 3) utiliser des outils de suivi au bénéfice des communes pour veiller à la qualité du service, et faire en sorte que celle-ci se maintienne dans le temps.

 

L’enjeu de la pérennisation de ce service non conventionnel tient dans les modèles de gestion des unités de traitement et de la vidange, ce qui est lié au circuit de flux financiers. Comment financer les dépenses de traitement et le service de vidange ? En règle générale, on parvient à faire financer par les ménages l’accès à l’assainissement et la vidange. Mais quand vient la question du traitement, on entend souvent : « Les communes vont s’en occuper, c’est leur responsabilité ». Or le traitement est coûteux…

 

Et la même source de rappeler que Julien Gabert est ingénieur diplômé de l’École polytechnique (France) et de l’université Mc Gill (Canada). Depuis onze ans, il s’est spécialisé dans le domaine de l’assainissement dans les pays en développement…

La Gazette

 

 

 

Publié dans Revue de presse

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