Conte: La poule et le caméléon

Publié le par Alain GYRE

 

La Poule et le Caméléon.

 

            Ankoho, zalahy, ankoho malaky ! redressez-le, Monsieur, redressez vite ! C’est ainsi que parla un respectable « Ioholona » du village de Tsitondroina, devant une foule dense, curieuse, légèrement inquiétée par la chute d’un être inconnu jusqu’alors.

            Ankoho, zalahy ! Ankoho ! – tout le monde fait cercle autour de l’animal nouveau et regarde.

            - Il porte des plumes, comme un milan, affirme timidement une femme. Volera-t-il aussi nos poussins ?

            - Il a la taille d’un gros corbeau, déclare une demoiselle. Est-ce qu’il mangera aussi des grains de maïs ?

            - Il a la physionomie d’une pintade, soutient un vieux planteur ; mais, ajoute-t-il bientôt, j’espère qu’il ne reviendra pas dans ma rizière (1).

            Et pendant que chacun cherche une analogie , le grand ray amandreny « continue avec plus de ferveur à ordonner qu’on redresse l’oiseau ».

            On le saisit alors ; on le redresse. Il ouvre un œil.

            « Poho, mason’ny lay maty karaha mason-kapiky »  (2) plaisante un garçon.

            Il se relève, titube encore, puis on le voit marcher allègrement. C’était bien un oiseau, avec son bec droit, son œil clignotant, ses deux ailes, ses deux pattes.

            Et comment pouvait-il bien s’appeler ?

            On inventa des noms. « C’est le gros fody », dit un enfant. «  Non, lui répliqua-t-on, c’est plutôt un « karako ». plutôt une pintade, affirma un planteur ; c’est bien un « voronadabo » (3) chuchota un groupe plus timide… et des voix basses roulaient : c’est un voronadabo, c’est un voronadabo. Une vieille femme, plus réservée peut-être que les autres, laissa entendre que l’oiseau aurait une certaine ressemblance avec son hibou (4).

            Et pendant qu’on discutait encore sur le nom qu’il fallait attribuer à ce nouveau venu, voici qu’un autre animal tomba des nuages.

            Il était très laid. Il avait une tête peu faite pour le casque (5). Deux yeux qui convenaient peu aux paires de lunettes, une queue que n’admireraient jamais les femmes et surtout un ventre qui faisait pitié…

            Bref, il fallait trouver un nom. L’oiseau s’appellerait « Ankoho ou Akoho » puisqu’on était obligé de le relever avant qu’il marche. Le reptile se nommerait tandrondro ou Kandrondro en souvenir des nuages  d’où il serait sorti.

 

(1)   Il ne viendra pas dans ma rizière : remarquez que chaque explication essaye de dégager une analogie avec les oiseaux qui détruisent le plus les cultures de celui qui parle.

(2)   Poho, mason’ny lay maty karaha mason kapity ; Ah ! ses yeux ressemblent bien aux yeux des tortues.

(3)   Voronadabo : Pigeon-vert. C’est presque le seul oiseau non nuisible relevé dans ce conte.

(4)   Son hibou : Des croyances soutiennent que les vieilles femmes deviennent presque toutes des sorcières, et qu’elles apprivoisent des hiboux. D’où la présence de l’adjectif possessif « son ».

Bien remarquer l’humour qui se dégage de ce conte

(5)   Casque : à traduire par « Letsapo ». C’est du casque colonial qu’il s’agit. On comprend donc que ce conte est de date récente.

 

 

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