Madagascar: Rendez-vous au bout du monde

Publié le par Alain GYRE

Madagascar: Rendez-vous au bout du monde

     

 

Lundi, 11 Février 2013

Plages désertes, baobabs perchés sur la mer, mangrove et forêts sauvages : c'est le paradis sur terre du producteur Charles Gassot. Il a bâti sa maison d'hôtes dans le nord-ouest de l'île, loin des hommes et au plus près de la nature. Une région à découvrir en explorateur.

Depuis Mahajanga, la capitale de la région, on survole, pendant une heure environ et en direction du nord, la côte du canal de Mozambique: une ligne scintillante striée d'embouchures aux eaux boueuses et parsemée de bancs de sable clair. Pas l'ombre d'une hutte ou d'un chemin. Des kilomètres de plages désertes interrompus à mi-chemin par un cirque de falaises torsadées: les célèbres tsingys de Madagascar, nés de l'érosion et de l'avancée de la mer, qui dessinent un amphithéâtre couleur d'ocre.

Dans ce paysage démesuré de matin du monde, c'est en toute modestie que l'on descend du petit bimoteur qui dépose ses passagers sur la piste balayée par des nuées de vent chaud. Rien d'autre à perte de vue que des arbres, des collines pelées et, tapi derrière, l'océan Indien avec ses rouleaux turquoise. Marovasa ne figure pas dans les guides. Il y a quinze ans, cette petite communauté de pêcheurs de la baie de Narinda comptait seulement quelques familles installées dans des cabanes au bord de la plage.

C'est l'époque à laquelle le producteur français Charles Gassot a découvert la presqu'île : «Une beauté violente, j'ai eu envie de tout lâcher pour elle.» Pendant des mois il l'a survolée, parcourue à pied ou en hélicoptère, jusqu'à ce qu'il se décide à y rejouer avec bonheur un remake du Sauvage en y construisant sa maison. Quinze ans de travaux titanesques vécus à la manière d'une aventure, avec des matériaux arrivés sur des boutres échappés de récits d'Henry de Monfreid et des échafaudages bousculés plus d'une fois par les tempêtes.

Baobabs, pains de sucre et palétuviers

Aujourd'hui, la demeure de style colonial semble tenir depuis des siècles face à l'océan, lovée entre deux criques, l'une face au couchant et l'autre face au levant. Dans les chambres ouvertes aux quatre vents, les persiennes cachent des lustres de Murano, des lavabos Art déco et des carrelages de Séville. Les jardins bruissent d'innombrables oiseaux, attirés par les plantations d'orangers, combavas, frangipaniers, anacardiers, ylangs-ylangs, cocotiers et manguiers, protégés d'allées d'acacias et de flamboyants. Loin de tout, on vit ici en autonomie: panneaux solaires et éoliennes pour le courant, légumes et aromates du potager pour la cuisine. Les murs du parc mènent à un sentier des douaniers sur les hauteurs de la presqu'île.

De ce belvédère, on aperçoit la baie de Moramba et, plus à l'est, les écharpes de mangrove qui s'enfoncent dans les terres. La maison de Marovasa Be est un point de départ unique pour découvrir le nord-ouest de Madagascar entre Mahajanga et Nosy Be, une région méconnue, restée à l'écart du développement et du tourisme. Des arpents infinis de terres quasiment vierges à découvrir en bateau et en buggy, accompagnés de hordes stridentes de grillons et de nuages de papillons. «Voilà des années que j'explore la région. Il n'y a que la nature, rien d'autre, et pourtant, j'éprouve toujours la même émotion», confie Charles Gassot. Au coeur de la brousse sèche qui attend les premières pluies, se cachent des massifs de forêt primaire qui abritent des familles paisibles de lémuriens. On croise des zébus, on enjambe des caméléons, on rencontre parfois quelques couleuvres luisantes, mais jamais d'autres visiteurs.

Les îlots calcaires de la baie de Moramba. Surmontés d'une toque de verdure, ces impressionnants rochers ont été sculptés par les vagues de l'océan Indien.

En montant au nord, à vingt minutes en bateau de la maison, la côte se creuse en une baie sauvage, Moramba, qui rappelle celle d'Along au Vietnam. Seuls quelques oiseaux de proie et le glissement discret de barques aux voiles latines troublent le silence. Avec ses rochers en pain de sucre, c'est surtout le royaume des baobabs. Majestueux, accrochés au calcaire des îlots, troncs bombés et bras levés, ils se penchent au-dessus des vagues et semblent garder l'entrée de grottes mystérieuses. Un paradis fragile que Charles Gassot espère faire classer au patrimoine mondial de l'Unesco. Plus à l'intérieur des terres, c'est en canoë et à la rame que l'on franchit les premiers entrelacs de la mangrove, épaisse, grasse et vigoureuse.

Une Amazonie d'eau douce, bruissante de perroquets. Les buissons de palétuviers s'insinuent dans les terres, y dessinant des labyrinthes aux eaux saumâtres. La boue est pleine de petits crabes, faciles à attraper. Depuis la plage, au pied de la maison de Marovasa Be, on observe des colonies d'aigles pêcheurs guettant les marlins, les espadons ou les thons dont les eaux regorgent. Des séances de plongée et de pêche au gros, à la traîne ou à la palangrotte, sont organisées à la demande. Parfois, des baleines en pleine saison des amours passent au large et se laissent suivre sur quelques centaines de mètres.

Mais les vraies vedettes du rivage sont les tortues de mer qui viennent pondre ici chaque année. Pour les préserver, Charles Gassot a mis en place un partenariat avec les pêcheurs. Ces derniers, qui avaient coutume de les manger pour, croyaient-ils, vivre plus longtemps, sont devenus les gardiens des nids. Une petite révolution sur une île où le trafic de tortues est florissant.

La brousse et la côte abritent peu d'habitants: les pêcheurs installés sur les bancs de sable et les éleveurs de l'intérieur des terres. Quand on leur rend visite, ils brisent volontiers une noix de coco pour la partager en signe de bienvenue. Certains font visiter leur école et leur puits, installés grâce à l'ONG Ecoles du monde. Et si on prend le temps des palabres, on apprend qu'ici certains baobabs sont sacrés et honorés d'offrandes. On entend aussi des légendes qui se racontent à la tombée du jour.

Elles célèbrent les exploits des ancêtres qui cachaient leurs défunts dans les grottes marines creusées par la mer, dans les îlots de la baie de Moramba. A une petite heure d'avion de là, en direction du sud cette fois, le tumulte du port de Mahajanga sonne comme un retour au monde des hommes. Meubles, épices, téléviseurs et hélices à moteur sont chargés sur des boutres brinquebalants, qui vont caboter pendant des jours et parfois des semaines pour livrer leurs marchandises. Certaines lignes de navigation relient la ville aux ports des Comores et de la côte orientale de l'Afrique dont Zanzibar, Dar es-Salaam ou Mombasa.

Charles Gassot est le producteur heureux de La vie est un long fleuve tranquille, Beaumarchais l'insolent ou encore, du défilé Jean-Paul Goude du bicentenaire de la Révolution. Lors d'un tournage avec Benoît Delépine, il a découvert Madagascar et rencontré le père Pedro, qui s'occupe des plus démunis dans la capitale. Sur ses conseils, il a créé en 1996, l'ONG Ecoles du Monde (www.écolesdumonde.org), qui s'est donné pour objectif d'améliorer les conditions de vie en brousse dans la région de Mahajanga, afin d'éviter le départ de sa population vers les villes. Ses priorités: l'eau, l'éducation, le reboisement et la santé.

(Le figaro.fr)

NDLR : puisque le ministère malgache du Tourisme et l’ONTM ne sont pas capables de faire, comme il se doit, la « Destination Madagascar », saluons ici cette initiative de Charles Gassot. Des experts existent à Ankatso, des journalistes spécialisés sont également tous disposés de contribuer à relancer le tourisme de l’île. Mais ils ne sont jamais sollicités.

La Gazette

Publié dans Revue de presse

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